30 Nov – Difficile de tomber plus bas que cette déchéance…
Bon anniversaire Jérôme, je ne sais pas si tu reçois mes journaux, mais Yann je le sais te fera la commission. Ne changes rien et gardes tes envies de partir, je t’embrasse fort.
6h30, douche et la vingtaine de passage de lame. Pour la petite histoire, ces 3 petites lames Gillette soudées l’une à l’autre me rasent depuis 30 jours maintenant, et tant qu’elles ne m’arracheront pas des bouts de couenne, je les solliciterai.
Je vais essayer en me baladant de trouver un autre hôtel sympa, le mien est un peu trop cher pour ce qu’il propose, et la wifi est vraiment défaillante, hier j’ai mis 2h pour envoyer mon journal, avec des coupures toutes les 5 minutes.
Direction Carbon Market le marché qu’il ne faut pas rater à Cebu. Un jeepney court sur pattes et 15mn plus tard je suis devant les étals. Tout de suite je comprends que la batterie de mon Nikon ne va pas assurer, c’est immense. Je sillonne les allées interminables, je fais ce que je peux pour vous prendre des images différentes de celles déjà prises, et mes pas m’entrainent derrière le marché là où sont entassés les ordures, un lieu que les touristes ignorent c’est pourtant ici qu’il y a la vraie vie de ces femmes et de ces hommes qui vendent leurs produits.
C’est l’enfer, la chaleur fait prendre aux odeurs d’ordures un goût acide et âcre, les effluves de poissons pourris sont particulièrement durs à gérer.
Ma curiosité maladive me fait pénétrer plus avant, je sais que vais voir des choses qui vont me faire souffrir, j’adopte la démarche adéquate dans ce genre d’endroit, celle traînante du type qui a le temps, et dès que mon regard en croise un autre le sourire est de mise. Difficile de tomber plus bas que cette déchéance, il est vrai que pour tous ces malheureux il ne reste plus qu’à s’appuyer le front sur un prie Dieu longtemps et espérer que les prières psalmodiées et renouvelées mille et mille fois seront entendues.
Je prends qques photos quand la situation le permet, sans que cela puisse gêner personne, d’ailleurs qquesfois c’est eux qui demandent à être immortalisé par ce petit bout de métal. Mais voyez vous il y a un moment ou trop c’est trop, accablé, écrasé, abattu par ce débordement, cette avalanche de misère, je m’isole du mieux que je peux dans cet univers surpeuplé et assis sur une marche, la tête baissée je laisse mes lacrymales faire leur boulot en silence.
Merdouille !! Avec toute cette sueur que j’éponge toutes les 5 secondes, je ne pensais pas qu’il me restait autant d’eau dans le corps. Je ne peux, et ne veux pas tricher, dissimuler, cacher, taire ce côté difficile de mon voyage, même si il vous parait inutile, ou grotesque. Tout le monde pense savoir ce qu’est la misère, mais très peu l’on approché de près, je ne suis pas sur la route pour me faire bronzer la paillasse sur une plage, je cherche l’insolite, la rencontre, souvent ce n’est quelquefois qu’un détail, mais dans le contexte il prend son importance, il s’amplifie et laisse une trace forte, comme une brûlure.
J’ai un budget serré que je m’efforce de tenir, non pas par rapacité, mais pour m’obliger d’être au plus près des locaux, pour être franc il faudrait encore que je le divise au minimum par 10 pour commencer à vraiment comprendre et vivre comme eux. Je vous rassure, la balance penche nettement plus pour les bons moments que pour les mauvais.
Tout près du marché, la Croix que Magellan dès qu’il a posé le pied sur cette île en 1521, a voulu planter. Il a bien fait ce bougre de navigateur de faire vite, il est mort la même année de son arrivée.
Juste à côté l’église de Santo Nino 1565, mais restaurée qquesfois, beaucoup de monde.
15h Je n’ai pas trouvé un autre hôtel, je rentre en sachant que la douche va devoir effacer bien plus que de la sueur, la fatigue plus les émotions accumulées vont m’assommer pour la sieste.
Ce mercredi 30 Novembre 2011, c’est une partie de ce que je viens chercher, ça remet les pendules à l’heure, il y a tellement de choses qui paraissent moins importantes après.
Je vais bien, j’ai perdu 8kgs et j’ai encore toute ma tête.
Faites attention à vous.
GG
Je lui ai offert tout ce qu’elle voulait manger, elle a pris une cuisse de poulet et une darne de thon sauce very spicy qu’elle a dévoré, j’avais du mal à soutenir son regard plein de questions. Gorge serrée je ne pouvais plus parler, et puis d’ailleurs les mots n’auraient pas servi à grand-chose, il y a de courts silences qui remplacent de longs discours. Quand elle vu que je baissais toujours la tête pour lui cacher ma tristesse, elle m’a caressé très doucement les cheveux derrière la tête. Je suis resté fort je n’ai pas craqué, je ne voulais pas devant elle, mes sourires sont revenus comme un reflexe et j’ai repris le dessus, un regard et elle aussi m’a souri. Je voulais cette photo, mais je m’étais interdit de la prendre, c’est elle qui me l’a demandé. Le billet de 20 pesos que je lui tends en partant, qui lui permettrait de reprendre une autre cuisse de poulet, elle le refuse gentiment en me tapant fort sur l’épaule pour que je parte. Après des journées comme celle là on ne s’endort pas aussi facilement la nuit les yeux se fixent sur les images d’une télé qui reste longtemps allumée, même si elle ne diffuse que des âneries, et quand les paupières deviennent enfin trop lourdes, je tombe sans vraiment m’en apercevoir.
No comment